Le discours sur la « guerre des talents » a faussé le débat en le focalisant sur la chasse aux « hauts potentiels« , sensés détenir d’avance et pour tout le monde, les bonnes réponses aux défis de la mondialisation. Cette approche élitiste fait peu de cas des vrais ressorts de la réussite collective d’une entreprise, qui se construit dans l’interaction et la mobilisation quotidienne des toutes les ressources de son capital humain. Elle revient à nous priver des repères sur les potentialités et les conditions d’émergence du talent, qui sont présentes et accessibles en chacun de nous.
Chaque personne est porteuse de talents et nous avons besoin des talents de tous, à tous les niveaux. C’est parfois la nécessité qui crée le talent, et nous sommes étonnés de ce que certains sont capables de faire quand leur talent s’éveille. En puissance, le talent est « la chose du monde la mieux partagée », comme Descartes le disait du bon sens, mais chacun découvre ou enterre le sien dans des voies différentes, qu’aucun système de classification ou d’évaluation générale ne saurait prédéterminer. Lorsqu’une personne se surprend à engager le meilleur d’elle-même à travers l’expression du talent qui lui est propre, elle ne s’identifie plus à la somme de ses compétences acquises et normalisées. Formuler ses compétences revient à se définir, souvent aussi à s’enfermer. Exprimer son talent revient à se trouver. face à un environnement de plus en plus concurrentiel, incertain et mouvant, le paradigme des compétences commence à montrer ses limites. le management des hommes se voit confronté ici à un défi supérieur, où les outils RH traditionnels sont devenus insuffisants.
L’entreprise est un lieu privilégié d’émergence et d’expression des talents. Elle ne maintient aujourd’hui sa performance que par la qualité et la variété des talents qui s’y expriment, dans tous ses métiers et à tous les niveaux de sa hiérarchie. Elle fait sa différence avec les hommes, comme le talent lui-même fait sa différence avec la simple compétence en y engageant un degré supérieur d’excellence, de réactivité et d’originalité individuelles dans son exercice quotidien.
Tout talent professionnel est le fruit d’une rencontre réussie entre le potentiel d’un collaborateur et l’environnement auquel l’entreprise va le confronter. Dans son émergence, sa consolidation, son déploiement, le talent est le fruit d’une construction à trois – collaborateur, manager, entreprise -, comme il sera le fruit d’un échec à trois s’il reste incapable de se concrétiser: une rencontre qui n’aura pas su se faire, ni surtout se construire dans le temps, faute d’une énergie, d’une organisation et d’un style de management adéquats.
Alors, faut-il continuer à engager toutes ses forces, comme le font beaucoup, dans une « guerre des talents » dont l’issue est plus qu’improbable? Avec une seule question en amont: comment séduire et capter les « meilleurs », sur un marché où l’offre est supérieure à la demande pour beaucoup d’entre eux? Et une seule problématique en aval: comment les conserver en place, malgré la richesse de leur réseau relationnel, leur goût de l’aventure et leur attrait pour la mobilité? Ou bien, faut-il se faire aussi « alchimiste » pour détecter, valoriser et développer tous les talents? La performance d’une entreprise ne traduit-elle pas l’interaction optimale de l’intégralité des talents qui s’y expriment, à tous les niveaux?
« Détecter les meilleurs » ou « faire émerger le meilleur en chacun », la question mérite de s’y arrêter…
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