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  • Photo du rédacteurMathieu MAURICE

L'effet Pygmalion


Dans Pygmalion, la pièce de George Bernard Shaw, Eliza Doolittle, la petite marchande de fleurs à l’accent “cockney-argotique”, comprend que la seule différence qui la sépare « d’une dame comme il faut », c’est le regard que les autres portent sur elles : un regard qui raccroche l’une et l’autre, comme un aimant, aux deux extrémités de l’échelle sociale. En décidant de changer ses manières, sa tenue, son langage, pour se rattacher à l’aimant de la “gentry” britannique, Eliza Doolittle mobilise d’instinct à son profit le principe de base de l’effet Pygmalion : la qualité d’un élève, comme celle d’un collaborateur, dépend pour une large part de l’attention qu’on lui porte, et des attentes de réussite qu’on lui manifeste clairement. Plus le regard sera positif, plus l’intéressé va s’investir et prendre du plaisir à justifier la confiance de son maître ou de son supérieur.


Les expériences de Rosenthal ont montré l’importance du processus de « réalisation des prédictions » dans le jeu des relations. Pour schématiser, si je pense a priori que mon collaborateur est superficiel, et si tout dans mon comportement témoigne de ce préjugé, ce collaborateur aura tendance à se mettre lui-même en position d’échec ; j’en confluerai alors : « J’avais raison, il est vraiment superficiel. » À l’inverse, si j’ai de l’ambition pour lui et le lui manifeste régulièrement, il s’efforcera de donner le meilleur de lui-même. Autrement dit, la performance d’un collaborateur a fortement tendance à refléter, dans un sens ou dans l’autre, les attentes de son manager.


L’interaction et la qualité de la communication entre un collaborateur et son supérieur se révèlent ainsi comme facteur déterminant pour le développement personnel et professionnel. Il ne s’agit pas de culpabiliser le management, mais de le conduire à prendre conscience de ce phénomène : par le jeu subtil des interactions, des attitudes, des comportements, un individu devient d’une certaine façon ce que l’on attend, ce que l’on pense de lui. C’est d’ailleurs vrai aussi des performances du manager lui-même, selon que l’attente de ses collaborateurs aura tendance à le tirer vers le haut ou à lui renvoyer une image peu flatteuse de ses capacités.


« Le talent, confiait Gérard Depardieu à un journaliste, c’est beaucoup ce que les autres font de toi… Celui qui croit qu’il a du talent, il est mort. Ce ne sont plus les autres qui le font vivre. Notre propre talent ne se voit que quand il nous échappe. » (Studio Magazine, octobre 2003)

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